GRAINS DE SEL

 Grains de sel

 Pasteur James WOODY

Ed. Actes Sud « le souffle de l’esprit », 2016 - 145 p.

 


James Woody est un théologien protestant, pasteur de l’Eglise protestante unie de France. Il a exercé son ministère à Avignon, Marseille, Paris et Montpellier.

Présentation sobre, beau papier, dans sa discrétion ce livre ne passe pourtant pas inaperçu. Et cela serait dommage car l’auteur nous livre ici un petit trésor de clarté , présentant successivement les piliers du christianisme dans son expression protestante : la Bible, la prédication, la prière, l’« architecture » et la pratique.

Au 16°s., Martin Luther cherche à débarrasser le christianisme de ce qui l’encombre « favorisant une spiritualité qui renouvelle la vie. » et être les grains de sel décapant le « vernis accumulé au fil des siècles. »

Quand on entre dans un temple, on remarque la place centrale qu’occupe la Bible. Le protestant cherche qu’elle soit également centrale dans sa vie de foi.

« La Bible est au cœur de la célébration protestante. C’est sa lecture qui provoquera la prédication, le moment le plus important du culte, aussi bien par le temps qui lui est consacré que par la valeur qu’on lui accorde. » (p.11)

L’essor du protestantisme est lié à l’invention de l’imprimerie et le premier livre imprimé fut une bible. Cette place première donnée au Livre va relativiser l’autorité de l’Eglise et chaque coyant est considéré « à même de se saisir du texte » personnellement . Même si la place du théologien est utile pour une connaissance plus approfondie, c’est le « croyant qui en dernier lieu, se déterminera en son âme et conscience. » Les ministères ne sont pas abolis pour autant mais simplement remis à leur juste place. (p.14)

Alors que les catholiques ne connaissaient que la version latine de la Bible, donc réservée à l’élite, Martin Luther et Jean Calvin rendirent la Bible disponible en langue allemande.

Pour le lecteur protestant, le texte biblique s’explique par les autres textes bibliques d’où une lecture croisée, approfondie, enracinée et toujours à découvrir et à creuser. « Le texte est une terre que nous n’avons jamais totalement explorée et qui mérite encore notre intérêt » (p.18).

Saint Bernard, au 12°s., voyait déjà les textes bibliques sous cet angle.

Les catéchismes catholiques du 19°s et 20°s. très rigides , sont loin de cette démarche personnelle et spirituelle où l’Ecriture interprète l’Ecriture.

Nous sommes parfois étonnés de voir de jeunes enfants musulmans apprendre à lire à l’école coranique. Pourtant, au 20°s., en Allemagne, l’apprentissage de la langue se faisait dans le texte biblique et les premiers héros de la jeunesse étaient Abraham, Moïse et Jésus !

La Bible se révèle « comme un compagnon de route »... qui permet de « mettre en perspective » ce qu’on voit et ce qu’on vit, chaque croyant étant en mesure, individuellement, d’entrer en dialogue avec Dieu. La Parole de Dieu ne se suffit pas à elle-même mais elle est le fruit d’un dialogue entre une communauté de croyants qui ont mis par écrit leur expérience spirituelle et le lecteur lui-même inscrit dans une communauté humaine posant son regard, ses intuitions, ses questions sur cet écrit. (p.30) La Bible donne de la saveur, du sel à nos vies.

« Le prédicateur est cet interprète qui établit un pont entre le texte et l’auditeur afin qu’une rencontre ait lieu. » (p.32) A lui de penser à ne pas faire écran à cette Parole de Dieu ni de mettre la main sur Dieu.

« Lorsque nous disons Dieu, ce n’est déjà plus de Dieu que nous parlons mais de la question de Dieu » (Rudolf Bultmann) . « Dieu est au-delà de Dieu » et il échappera toujours à l’idée que nous nous en ferons.

Le livre biblique des Psaumes a toujours été l’école à laquelle se sont formés les protestants pour apprendre à prier.(p.41) « Les Psaumes structurent la spiritualité chrétienne car ils sont chargés de tout ce qui fait la condition humaine. »

L’auteur souligne ici avec justesse la richesse des psaumes qui ne sont pas « des pensées proprettes » mais portent toute prière même violente. La parole humaine s’y libère tel le blues chanté par les esclaves. « La prière est cet effort du croyant pour faire quelque chose de ce qui lui arrive. »(p.43) Elle nous permet de nous décentrer vers l’axe de Dieu et l’expérience nous montre aussi que Dieu ne parle pas à la manière des hommes.

Lorque par exemple nous prions pour la paix, rien de surnaturel ne se passera par contre, c’est notre attitude extérieure et intérieure face à la guerre et à la paix qui peut changer. « L’action divine se réalise dans notre pâte humaine » (p.51) L’avenir cesse d’être ce qui va arriver pour devenir ce que nous allons en faire. » (Gaston Bachelard cité p.52)

«  Ce qui change vraiment durant la prière, c’est nous » (p.53) et nous accèderons ainsi à notre « véritable identité. »

Sur le doute. (p.64-66)

Pierre a-t-il douté ? « Le peu de foi correspond au fait que Pierre n’est pas saisi inconditionnellement par le Christ ; il est plutôt saisi par les menaces qui l’entourent …Le doute permet de vérifier nos images de Dieu , de les réformer éventuellement par de meilleures, sans jamais en tenir une pour définitive. …

 Le texte biblique rappelle que Dieu échappe à toutes les tentatives de le rendre captif de nos idées . »

La prière qui accorde une place au doute, désacralise ce qui est parfois abusivement absolutisé (p.69)

La prière accomplit ce tissage entre le réel que nous percevons, entre les textes bibliques qui ont été composés par des croyants qui nous ont précédés et nous-mêmes qui sommes chargés de nos questions, de nos difficultés, de nos désirs, de nos défauts. (p.70)

La foi, c’est être saisi par une préoccupation fondamentale. (Paul Tillich)

La repentance nous fait prendre conscience de la distance entre celui que nous sommes et celui que nous pourrions être.

En nous privant de ce qui pourrait renouveler notre vie, …nous nous condamnons à vivre en sous-régime… Rester fermés à la grâce, c’est s’empêcher toute amélioration de notre condition, c’est faire obstacle à ce que le christianisme appelle le salut… La foi est ce sentiment pur et simple de dépendance à ce que les textes bibliques nomment « l’Eternel ». (p.74)

Architecture

Dès la Réforme du 16°s., les protestants ont acquis la réputation d’être iconoclastes. Leur opposition à la pratique religieuse romaine s’est traduite par la disparition des représentations et des ornements luxueux qui remplissent les églises. (p.77)

Il faut noter cependant que la peinture a soutenu les idées de la réforme(Lucas Cranach,1472-1553) ainsi que la musique de Bach notamment.

Les représentations imposent une réalité unique pour tous et ne favorisent pas la foi personnelle…La spiritualité protestante consacre sa piété à l’essentiel.

Pour être mieux comprise,audible, la Bible est traduite. Méfiance à l’égard de toute manipulation, toute habitude.

Le lieu du temple n’est pas sacré et tout peut s’y vivre. C’est au contraire une sublimation du quotidien. Il se doit d’être pratique pour le rassemblement de la communauté.
Le clergé n’existe pas et il n’y a pas de différence de nature entre les personnes qui constituent l’Eglise.

En 2013, l’Eglise réformée de France s’est unie à l’Eglise évangélique luthérienne.

Les sacrements.

Deux sacrements : la cène et le baptême.

La Cène : 1 fois par mois environ. Aussi importante que la prédication.

Certaines communautés croient à la consubstantiation (présence réelle du Christ dans le pain et le vin) ; c’est la position de Martin Luther. Pour Jean Calvin, on parle plutôt de présence spirituelle par l’Esprit.

Le commandement de l’amour est placé au-dessus de toutes les doctrines et des formes religieuses. « Mieux vaudrait avoir servi Jésus-Christ sans le nommer que d’avoir nommé Jésus-Christ sans le servir. » (Wilfred Monod) p.114

« L’Eglise n’est vraiment elle-même que lorsqu’elle est Eglise pour les autres » (Dietrich Bonhoeffer)

Importance du dialogue.

Celui avec lequel je converse peut s’avérer détenteur d’une part de vérité qui m’échappait jusque là. (p.123)





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